La loi AGEC exige que tous les producteurs de biodéchets puissent disposer d'une solution de valorisation à partir du 1er janvier 2024. La Métropole de Lyon, en charge des biodéchets des ménages, a déployé une solution hybride de collecte sur son territoire associant composteurs en pied d'immeuble et bornes à compost. La gestion du compost produit réalisée par des associations et des entreprises de compostage en plateforme, qui pour les premières fonctionnent par don (essentiellement à des particuliers et jardins partagés) et pour les secondes vendent à des professionnels de l'agriculture et du paysage (Berdier et Maillefert, 2024). La Métropole s'est ainsi concentrée sur la partie amont de la gestion des biodéchets, laissant la partie aval dans le flou : un enjeu, au-delà de la production de compost, est sa réutilisation par les acteurs du territoire. Si les acteurs des villes sont des figures évidentes du bouclage, la production massive de compost nécessite des débouchés plus larges, à l'échelle des producteurs agricoles du territoire.
De ce point de vue, la politique métropolitaine vise deux objectifs pour la filière agricole : réduire la dépendance aux intrants chimiques sans production supplémentaire de biomasse, via l'amendement par compost issu des biodéchets, et reterritorialiser le système agro-alimentaire, ce qui suppose justement de créer une proximité avec les bassins urbains de consommation (Oliveira Santos, 2015).
L'objectif de ce travail est de questionner la faisabilité de ces objectifs : dans quelle mesure et sous quelles hypothèses les biodéchets des ménages pourraient-ils être valorisés localement en amendement pour les sols agricoles, dont la culture contribuerait à l'approvisionnement alimentaire des ménages ?
L'analyse de cette recircularisation est proposée à travers une reconstruction du métabolisme territorial des biodéchets ménagers sur la métropole de Lyon (Barles, 2014), dans une logique croisant enjeux de filière et enjeux territoriaux (Berdier et Maillefert, 2024). Elle s'appuie sur une collecte originale de données statistiques sur le territoire et d'entretiens auprès de différents acteurs.
L'analyse du métabolisme territorial sera complétée par une analyse à une échelle régionale permettant d'inscrire l'espace urbain dans un hinterland agricole productif (Bahers et Durand, 2018). Cette perspective multi-scalaire permet de questionner les relations ville / campagne, notamment en territorialisant l'origine et la destination des flux agro-alimentaires et de compost (Bognon, 2017). Nous questionnons également les conditions d'acceptabilité d'un usage agricole du compost issu des biodéchets (normalisation, type de culture, prix, organisation collective d'agriculteurs...).
Des scénarii de bouclage du métabolisme territorial des biodéchets ménagers à l'échelle régionale sont ainsi esquissés, en confrontant les gisements potentiels de biodéchets ménagers, les surfaces agricoles utiles et leur ventilation en familles culturales, et les besoins en amendement selon les cultures (Bonaudo, Billen et Garnier, 2017).
Ces scénarii sont appréhendés à la lumière d'un objectif de transition agricole favorisant la proximité de la gestion des flux de matières (circuits courts agricoles, usage d'un amendement organique et local) et la mise en circularité de la biomasse (valorisation locale des biodéchets) (Vivien et al., 2022). Ils constitueront les prémisses d'une réflexion sur une stratégie alimentaire territorialisée qui intègrerait des enjeux de production agricole durable, de valorisation des biodéchets, de mise en adéquation de l'offre agricole à la demande alimentaire locale et de réduction des gaspillages (Guilbert et Redlingshöfer, 2018), tout en questionnant les conditions (sociales, économiques, logistiques...) de ce bouclage territorial pour l'ensemble des acteurs (agriculteurs, professionnels du compostage, collectivités locales...).
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