Gérer ses déchets « comme il faut » / Ce que les trajectoires et les pratiques détritiques d'habitant·es de la métropole nantaise nous enseignent sur les manières de résister ou d'abdiquer avec ses déchets
Zoé Wambergue  1@  , Géraldine Molina  2@  
1 : Espaces et Sociétés
Université de Nantes : UMR6590, Université de Nantes
2 : Eso Nantes (UMR CNRS 6890)
Eso Nantes (UMR CNRS 6890)

Gérer ses déchets « comme il faut ». Cette quête, c'est peut-être le point commun que l'on peut trouver entre les ménages que j'ai enquêtés pour ma thèse en géographie sociale intitulée « les acteur·ices de la chaîne des déchets : savoirs et pratiques en transition » (en cours de rédaction). Pourtant, cette aspiration ne renvoie pas aux mêmes normes ni ne se traduit par les mêmes pratiques selon les individus. Et elle implique souvent des actes de résistances face à ces « rationalités multiples » (Dubuisson-Quellier, Plessz, 2013). En effet, dans un contexte de fortes contraintes pour les habitant·es (systèmes de gestion imposés, rythmes sociaux), de pluralisation des normes (institutionnelles, sociales) et de coexistence de référentiels concurrents (consumériste, sobre) ; les ménages tiraillés entre des injonctions paradoxales ne peuvent que résister. Résister contre les pulsions dépensières, la surconsommation, le suremballage mais aussi les modes de collecte, les consignes et les injonctions à consommer « durablement » ou « autrement » qu'on leur impose. Qu'iels adoptent des pratiques considérées de « bien comme il faut », « extrémistes » ou « déviantes » par rapport aux prescriptions du référentiel dominant, les habitant·es rencontrées négocient, avec elleux-mêmes et avec leur famille (Barrey et al., 2016) et leur entourage, avec les objets et les dispositifs de gestion des déchets, avec les institutions et celleux qui les gouvernent. Confrontés à de « grands choix » qui les dépassent (Rumpala, 2009) et à ce « système de gestion composite » des déchets (Lehec, 2019) auxquels iels participent mais d'où iels sont pourtant marginalisé·es, iels abdiquent parfois. L'originalité de la contribution repose sur l'appréhension des pratiques habitantes au travers de ce que j'ai appelé des « trajectoires détritiques » — c'est-à-dire une mise en perspective des éléments du parcours biographique et des pratiques liées aux déchets. On explore alors comment ces pratiques sont connectées aux événements (Lamine, 2008) et ruptures qui rythment nos vies, tant dans nos sphères affectives, résidentielles que professionnelles. La communication propose, avec une approche socio-géographique, de décrypter finement ces actes de résistance et de négociation dans les tâches du quotidien.

La proposition s'appuie sur des enquêtes qualitatives et quantitatives menées auprès d'habitant·es de Nantes Métropole. D'une part, un baromètre mené en 2019 auprès d'un échantillon représentatif de 1050 habitant·es par voie téléphonique visant à mieux connaître leur pratiques et connaissances de la gestion des déchets. D'autre part une enquête tant rétrospective (ménages interrogés sur leur passé) que diachronique (foyers suivis dans la durée) conduite en deux temps auprès d'un panel diversifié d'une vingtaine d'habitant·es. La première phase (2019) avait pour objectif une compréhension fine des modes de consommation et de rejet de ces foyers : les entretiens se sont déroulés à domicile et comportaient un « tour » des poubelles du logement, voire une « autopsie » et des auto-pesées sur quelques semaines. La deuxième (2021-2022), menée par téléphone, avait pour but de mesurer les évolutions depuis le premier entretien et ainsi de retracer des trajectoires détritiques pour chaque enquêté·e.

 

Bibliographie indicative

Barrey S. et al., 2016, « Chapitre 11 / Les effets du gouvernement sur les conduites. Le rôle des bifurcations des trajectoires de vie dans les changements de conduite de consommation », dans Gouverner les conduites, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Académique », p. 399‑448.

Dubuisson-Quellier S. et Plessz M., 2013, « La théorie des pratiques. Quels apports pour l'étude sociologique de la consommation ? », Sociologie, N°4, vol. 4, .

Lamine C., 2008, Les intermittents du bio: pour une sociologie pragmatique des choix alimentaires émergents, Paris : Versailles, Maison des sciences de l'homme ; Quae, coll. « Natures sociales », 341 p.

Lehec É., 2019, « Vers un service composite de gestion du métabolisme urbain. Ce que compostage industriel et compostage en pied d'immeuble ont en partage », Flux, 116‑117, 2‑3, p. 95‑111.

Levené T. et Bros F., 2011, « Trajectoires professionnelles et rapports à la formation d'adultes et jeunes adultes en parcours d'insertion », Savoirs, 26, 2, p. 85‑108.

Rumpala Y., 2009, « La « consommation durable » comme nouvelle phase d'une gouvernementalisation de la consommation », Revue francaise de science politique, Vol. 59, 5, p. 967‑996.


Personnes connectées : 1 Flux RSS | Vie privée
Chargement...