En France comme en Italie, on observe depuis plusieurs décennies la prolifération de politiques dites de développement durable, centrées notamment sur les « petits gestes » du tri sélectif et de la collecte séparée des déchets. Si ces politiques imposent une forme de « moralisation systématisée du rapport des usagers à leurs déchets » (Monsaingeon 2017), elles ne s'appuient pas nécessairement sur la mobilisation exclusive de l'« usager producteur-trieur » (Barbier 2002). En effet, le développement du tri sélectif peut impliquer la présence d'autres catégories d'acteurs·trices, dont le travail permet de fluidifier le « réseau mou » des ordures ménagères (Debout 2012) tout en contournant certaines résistances développées par les habitant·es et les usagers·ères des espaces urbains.
Cette communication porte sur les transformations récentes dans la gestion de la collecte et du tri à Bologne (Italie). Premièrement, je me pencherai sur la fin de la collecte en porte-à-porte et le retour au modèle des points d'apport volontaire, un passage qui a été accompagné par des nouveaux équipements et par la mise en place d'un badge, ces mesures visant à discipliner davantage les comportements « écologiquement déviants » des citadin·es.
Deuxièmement, j'analyserai les résistances et les obstacles rencontrées par ce modèle, qui a entrainé une importante augmentation des déchets abandonnés dans les espaces publics autour des points de collecte. Cela, en raison d'un ensemble de facteurs : les dysfonctionnements du badge, la non prise en compte du rôle des populations non résidentes dans la production de déchets urbains (notamment les touristes, en forte hausse dans la ville), et les nombreuses résistances ordinaires de la part des citadin·es à ces mesures imposées par les pouvoirs publics locaux (Wheeler et Glucksmann 2016).
Troisièmement, j'étudierai l'émergence d'une nouvelle figure professionnelle, le spazzino di quartiere (balayeur de quartier), mobilisée par l'administration municipale afin de contourner ces résistances et de maintenir l'image d'une ville propre. Cette étude de cas montre que, à Bologne, l'impératif du tri sélectif s'appuie non seulement sur des campagnes de sensibilisation et de répression visant à perfectionner le « consumption work » non rémunéré des ménages (Wheeler et Glucksmann 2016), mais aussi sur les activités faiblement rémunérées de nouveaux·elles travailleurs·ses salarié·es.